« M'man... » Ma mère releva la tête de ses dossiers, me fixant d'un oeil ébahit. Je lui offris un grand sourire, le genre de sourire que je faisais tout le temps... En dehors de la maison. « Je suis officiellement une cherrios. » Ah oui, pas étonnant qu'elle soit choquée devant mon nouvel uniforme. Cherrios, cheerleader, c'est exactement la même chose. Bon, je n'étais pas encore la capitaine de l'équipe, mais c'était déjà bien. « Mais... Où avais-tu la tête ?! » Je baissai le regard et elle vu que ce n'était pas tout. Elle regarda à ma droite. « Qu'est ce que c'est que de ces valises ?! » Je finis par replanter son regard dans le sien. « J'ai appris que Ruth, il m'était encore difficile de dire "papa", était de retour en ville. Après discussion avec lui... Je déménage. » Elle déglutit, se leva, se planta devant moi et posa ses mains sur mes épaules. « Mais... Théo... Tu te rends pas compte ?! Il nous a abandonnées! Tu peux... Tu peux pas! Tu peux pas me faire ça! Nous faire ça. Voyons, réfléchis je... » Elle cherchait ses mots. « J'ai bien réfléchis. Je suis désolée, maman. »

Cher journal. J'ai eu raison de partir. La vie avec Ruth - difficile de me faire à l'idée qu'il soit mon père, mon papa, mais il me laisse du temps - est vraiment plus... Simple et joyeuse. Sa famille - là encore, j'ai du mal à me faire que se soit plus ou moins la mienne aussi, maintenant - est géniale. Certes, maman me manque. C'est normal, c'est elle qui m'a élevée. Enfin bref, Isobel est quelqu'un de très sympathique, douce et serviable. Son fils et sa fille aussi, d'ailleurs. [...] Désolée de l'interruption, j'écris alors que je suis en maths. La prof m'a chopée, mais je me suis arrêtée d'écrire, je l'ai regardée droit dans les yeux, avec cet air innocent et attentif... Et elle a continué son cour et m'a plus calculé. Pour en revenir à la vie chez mon père, ça fait quand même un peu peur. C'est un peu les Van de Camp de Fawkham... Mais on s'y fait vite.

« Tu... Tu es prof ici ?! » J'observai Ezeckiel, choquée et perplexe. « Et bien... Oui. T'aurai pu me dire que tu étais lycéenne ici! » Je levai les yeux au ciel, commençant à m'énerver. « Ah ouais! Tu m'avais dit que tu enseignais, mais pas où! » Il regardait ses doigts jouer avec stress sur un livre. « C'est vrai, d'accord, j'avoue. Mais en même temps, tu fais pas vraiment lycéenne... » Je croisai mes bras sur ma poitrine. Un point pour lui, on me prenait plus pour une étudiante. Mais il suffisait de me voir dans mon costume de cherrios pour changer d'avis... « On... On fait quoi, alors ? » Il releva le regard, planta ses yeux dans les miens. je savais très bien ce qu'il lirait dans mon regard : de l'inquiétude, de la tristesse et la peur d'être rejetée. « On pourrai se faire virer... » Le temps que j'ai le temps de me retenir, il était trop tard, mes doigts étaient déjà entremêlés avec les siens. « Je... On peut prendre le risque, non ? »

Pour résumer. Je m'appelle Théo Roxanne Carter-Lloyd. Je suis née un jour de Noël dans cette belle petite commune qu'est Fawkham. Mon père et ma mère semblaient être faits l'un pour l'autre, mais non. Ma vie était simple, comme tous les enfants en général, et il a fallu que le drame éclate : mes parents divorcèrent, et mon père partit, à New York à ce qu'il parait. Et je n'eus jamais de nouvelles de lui jusqu'à présent, mis à part les 1 000 £ qu'il versait par mois sur mon compte bancaire. Ma mère s'était réfugiée dans son travail d'avocate, si bien que je pensais en dernière place dans ses priorités. J'appris donc vite à me débrouiller toute seule, je devins très vite indépendante. Pourtant, tout parent aurai rêvé d'avoir la petite fille, modèle que j'étais alors, à la maison : calme et réfléchie, sociable et intelligente, douce et indépendante. J'avais de bonnes notes, je n'avais que très peu d'embrouilles, et j'étais sage. Mais, à treize ans, je me rendis compte que ça ne marchait pas, d'être la fille parfaite : elle ne me remarquait pas. Toujours pas. J'étais juste une bouche à nourrir, héberger et blanchir, à rhabiller et à signer les contrôles parfaits. Et là, je virai du tout au tout. Elle se faisait convoquer, genre, au moins trois fois par mois chez le directeur du collège, et je ne serai jamais étonnée qu'elle ai fait passer de l'argent pour pas je ne me fasse virer, et pour que l'établissement étouffe l'affaire. Les années passèrent, et, maintenant, j'avais un plus vaste rayon d'amis : j'étais populaire, populaire à cause des conneries que je faisais! Malheureusement, le fait que je semble virer de bord ne changea rien, ma mère restait aussi froide et distante avec moi. Je finis par entrer au lycée, et, pour me punir de mes conneries, je n'eus aucun droit de participer à des clubs, des activités. Or, il y a eu ce septembre là, le septembre de la rentrée scolaire 2010-2011. Mon père était de retour à Fawkham, et bien évidemment, le fait qu'on se reparle, qu'on se rencontre, était quasi inévitable. Quelques dîners et rendez-vous plus tard, nous étions réconciliés, et nous commençâmes à rattraper le temps perdu sur notre relation père-fille. Je finis par déménager de chez ma mère, pour habiter chez lui, avec sa nouvelle femme et les enfants de cette dernière. Je redevenais un peu plus sage, mais toujours aussi fêtarde et faisant quelques boulettes par ci par là, mais rien de trop important. Je n'avais plus besoin de ma personnalité de bad girl pour être populaire : je suis désormais cherrios, pom pom girl, cheerleader! Mon rêve. Toutefois, je me suis découvert une nouvelle passion : la musique et ce qui l'entoure en général, chant et danse. J'ai aussi rejoint le Glee Club, mais ça commence à avoir un effet néfaste sur ma côte, je le sens... Et il a eu Ezeckiel.

Ezeckiel, ou plutôt « Mr Jones » est professeur de littérature à St-Germain High School. Le deuxième, après Mrs Summerson, qui elle est aussi professeur d'anglais et qui est la dirigeante du Glee Club - que j'apprécie énormément, d'ailleurs. Il est arrivé à cette rentrée ci. Pourtant, je l'ai rencontré pendant les grandes vacances, en août. La soirée était calme, et j'avais décidée d'aller boire un verre - non alcoolisé, hein - dans un bar tranquille. Au bar, il était là. Je ne sais trop comment, on a commencé à parler, et on s'est revus pendant tout le mois... Et au final, j'en suis tombée amoureuse. Je savais qu'il enseignait et voilà que le matin de la rentrée je le retrouvais dans ma salle de cours! On fait avec, on se voit en secret, c'est dur. Personne ne le sait et ne doit le savoir sinon... Je crains le pire.